Bouquet final malgache...

Publié le par Ellis

Salut à tous,

 

Troisième et dernière chronique malgache, pour vous faire partager nos deux ultimes semaines sur la Grande Ile. Déjà un gros mois d’écoulé depuis notre départ, alors que se profile notre premier changement de pays, et sans doute un dépaysement encore plus complet. En effet, ici la plupart des autochtones connaissent quelques mots de français, voire le parlent parfaitement, ce qui ne sera certainement plus du tout le cas pour nos destinations futures.

 

L’été commence en France, on vous le souhaite très ensoleillé - mais pas trop caniculaire – et surtout rempli de belle vacances ! On pense à vous (forcément on n’a que ça à faire !!)

 

Notre route du 7 au 19 juin 2005

Pour quitter Tuléar et rallier Morondava, nous avions prévu de parcourir la côte ouest en camion-brousse. Mais Madagascar est pleine de surprises, particulièrement en matière de transports, et la piste côtière était donc tout simplement fermée. Traverser le pays et savourer ses mille visages nécessite avant tout du temps, et beaucoup si possible. Ainsi sur les 13 derniers jours, les 4 premiers ont été passés en grande partie dans les taxis-brousse, avec un joli calvaire routier de 16h non-stop entre Antsirabe et Morondava.

Les 3 jours suivants ont donc servi à s’en remettre, et Morondava est propice au farniente avec sa longue plage de sable blanc. 72 heures à ne RIEN faire d’autre qu’observer l’horizon, penser, contempler, écrire, bouquiner…

Puis nous avons loué un 4x4, qui nous a emmené jusqu’aux Tsingy de Bemaraha, à 200km au nord de Morondava. Pour y aller (et en revenir !), 8 heures de pistes couleur ocre , tour à tour cernées de savane, de villages Menabe, de tombeaux, de forêts de baobabs… Pendant 2 jours nous avons exploré à pieds cette merveille géologique que sont les tsingy, morceaux de dentelle calcaire vieux de plusieurs millions d’années.

Et nous voici de retour à Tana pour clore l’étape malgache. La capitale est en effervescence avec le début des festivités pour célébrer l'Indépendance (26 juin).

 

Quelques photos valent mieux qu’un long discours (même si je ne sais pas faire court, c’est vrai !), et ça tombe bien car ni les tsingy ni les baobabs ne se racontent, ils se regardent.

 

Du coup on vous a concocté quelques chroniques sur ce qui ne se prend pas en photo ou qui n’apparaît pas dans les guides. Vos commentaires sont – toujours- les bienvenus.

 

On est vraiment heureux d’avoir passé ces 6 semaines à Mada, sachez qu’il n’en faut pas moins pour espérer se faire un aperçu digne de ce nom (on a croisé des gens ici pour 2 semaines, une aberration !)

En voyageant en taxi-brousse, au cœur de la population malgache, en lisant la presse locale et nationale, on a le sentiment (peut-être est-ce présomptueux…) de comprendre un peu mieux ce pays, son peuple, sa culture, bien loin des clichés aux dents blanches des publicités touristiques.

 

Spiritualité malgache

 

La religion prend une place considérable dans la culture malgache. Partout sur l’île, le Dimanche est en grande partie consacré au culte, et les cultes sont ici très nombreux. Historiquement c’est le culte des ancêtres qui est le plus représentatif de la spiritualité malgache. Pour le comprendre, il suffit de les voir donner plus d’importance à leurs défunts aïeux qu’à eux-mêmes. La tradition veut que chaque famille construise un tombeau en « dur » pour y enterrer les siens ; à Morondava, alors que nous prenions le petit-déjeuner sur la terrasse de notre hôtel, une foule colorée et dansante est arrivée devant l’hôtel, en convoi derrière un véhicule transportant une sono hurlante et une croix en béton. La patronne de l’hôtel nous a expliqué que tous les défunts doivent posséder une sépulture avec une croix en béton. Lorsqu’une personne décède, bien souvent la famille n’a pas les moyens de payer autre chose qu’un cercueil sommaire et une croix de bois. Lorsque enfin, parfois des années plus tard, la famille réunit suffisamment d’argent pour acheter la croix en béton, l’événement est alors fêté dignement.

Les tombeaux parsèment les bords des routes malgaches, ils sont tous peint et les dessins racontent souvent des passages de la vie des personnes qui y sont enterrées.

Quant aux cortèges funèbres que nous avons croisé depuis notre arrivée, ils sont multicolores, on y chante, on y sourit, on célèbre dans la joie la personne qui vient de décéder. La tristesse semble inexistante et le blanc, couleur du deuil, rend tout ceci encore plus gai pour nos yeux d’occidentaux.

 

L’autre culte majeur de Mada est le christianisme, introduit par les colons français, et une majorité de Malgaches sont de confession protestante, elle-même subdivisée en plusieurs courants… La religion musulmane est également bien représentée, et les mosquées côtoient les églises dans de nombreuses villes. La plupart des écoles affichent aussi leur croyance. Enfin, un nombre incalculable de sectes ont envahi le pays ces dernières décennies, avec en tête les témoins de Jéhovah et les Adventistes du 7e jour, présents jusque dans le plus petit des villages.

 

Résignation

 

Antsirabe Morondava, 16h de route en taxi-brousse (pour 532 km !) dont 12 de nuit et 6h30 de piste … horrible.

C’est un passager qui nous a fait réaliser un trait important de la culture malgache. Jeune père de famille arborant une moustache duveteuse en vogue dans les populations prépubères. Il a amené ses meilleures cassettes en prévision du long voyage et les passe au chauffeur pour diffusion non stop. Il connaît ses classiques et siffle donc en surimpression de l’autoradio nasillard, avec ce petit temps d’avance de celui qui veut montrer qu’il connaît. Il siffle entre les dents, ce qui donne un ton suraigu, mais surtout complètement faux.

Après 3 h de ce régime staracadémicien, tout occidental normalement constitué montrerait quelques signes de faiblesses. Pour nous ça a duré 16 heures et on a tenu bon (en apparence)!

Manifester sa gêne ou son manque d’enthousiasme eût été malvenu. D’ailleurs dans la culture malgache on ne semble pas montrer ses sentiments, quels qu’ils soient, on n’élève pas non plus la voix, suprême grossièreté. On ne désavoue pas qui que ce soit, fusse le dernier des idiots, et on ne dit pas non plus « non » (d’ailleurs les Malgaches aisés qui sont harcelés comme nous par leurs congénères ne leur répondent pas et se contentent de regarder leurs agresseurs avec des yeux de mérou dont l’inexpression relève de la prouesse physique).

Alors, il ne reste plus qu’une attitude : la résignation. Les Malgaches semblent être un peuple profondément résigné et disposant d’une endurance à toutes épreuves.

Enfin, nous, on lui aurait quand même bien cassé les dents au siffleur...

 

4x4

 

En France c’est l’essor des 4X4 dakarisables taillés pour dompter les dos d’âne et autres gendarmes couchés. Les plus beaux sont ceux qui ont ce  gros pare buffle qui garantit ainsi à son propriétaire une protection sûre contre les fermetures intempestives de portails automatiques ou barrières de parking souterrain.

Pendant ce temps là à Mada on traverse le pays sur des pistes de bosses avec un minibus citadin plus inspiré de la Smart allongée que du 4X4 allégé à 18 ou 19 + les 2 tonnes de bagages.

Ici de toutes façons les dos d’ânes ils s’en foutent, ils n’ont que des zébus bossus et les gendarmes sont plus souvent debout pour toucher les bakchichs que CHAQUE conducteur paye à CHAQUE barrage (normalement suffisamment discrètement pour que les vazahas n’y voient que du feu… et voila l’explication a posteriori de l’absence de zèle des gendarmes…).

Le monde est mal fait, mais parfois plus pour les Malgaches.

 

Doit-on donner... ou pas ?

 

Dans les villes malgaches tous les enfants savent dire quelques mots en français. Les mêmes mots pour tout le monde et prononcés dans le même ordre pour tout le monde.

« Bonjour vahaza », l’introduction classique.

« Vahaza » est –hélas- souvent accompagné de « Donne », lui-même souvent suivi de « Argent », « Stylo », « Bonbon », « Savon », « Cadeau »… La formule de politesse est superflue et ne sera pas étudiée aujourd’hui.

Chaque jour depuis plus d’un mois nous nous posons donc la question « doit-on donner ? et si oui quoi, quand, à qui ? »

Nous en sommes arrivés à la conclusion que nous ne devrions pas donner, ou du moins pas comme ça, en choisissant plutôt la petite fille en rose que celle en bleu…

 

1) Tout travail mérite salaire mais tout salaire mérite travail et on ne doit donc pas donner « gratuitement » au risque de fausser les règles du jeu et créer des repaires de mendiants.

2) Donner peut être perçu comme un acte impérialiste qui exprime la supériorité, c’est donc humiliant. Et si les enfants demandent, c’est plus par jeu que par nécessité parce qu’un jour un vahaza a eu cette fausse bonne idée de donner quelque chose en croyant bien faire.

On les a bien observé sur les parkings des taxis-brousse, à jouer à qui pigeonnera le plus gros pigeon.

3) Cela entretient un marché parallèle qui nourrit l’inflation et les déséquilibres, car on donne forcément toujours aux mêmes et jamais aux villages reculés qui manquent de tout.

4) Tout ce qui est donné est largement destiné à la revente. Mêmes les stylos que certains globe-trotters nous ont conseillé d’amener en quantité afin de les distribuer participent de ce phénomène. Ici ils n’ont pas besoin de stylo pour écrire mais pour les revendre. Les écoles ont tous les stylos qu’il faut et il faudrait d’abord qu’ils aient besoin d’écrire et qu’écrire fasse partie de leur culture avant d’avoir besoin de stylos.

 

Avant de donner, nous essayons donc de nous demander si ce que nous allons donner a une place dans la culture des gens ou si c’est nous qui souhaiterions que cela ait une place dans leur culture (ça c’est l’impérialisme).

Enfin, si ça peut faire en sorte que les futurs vazahas soient moins harcelés…

 

Alors pas la peine de piller l'armoire à fournitures de votre entreprise bien-aimée avant de partir en vacances, voici nos modestes solutions pour une aide mieux ciblée : faire ses emplettes de souvenirs dans les ONG prévues à cet effet sur place (par exemple La maison de l’eau de coco), ou faire un chèque à une association humanitaire… cela garantit une aide plus ordonnée, coordonnée et plus juste.

 

Amen Midas

 

Les Malgaches parlent beaucoup … ils ont entre eux le contact très facile… à tout bout de champ et en toute occasion (on n’imagine pas les Parisiens ne se connaissant pas papotant dans le métro en allant au boulot, pourtant ici c’est comme ça ). S’interpeller fait partie de la vie, d’ailleurs ils ne parlent pas seulement lorsqu’ils ont des choses à dire, ils parlent pour le contexte, pour se signifier qu’ils sont amis, se témoigner du respect bien qu’ils ne se connaissent pas, le fond importe peu c’est communiquer qui est important.

Un jour que nous étions en taxi avec 1 guide et 2 porteurs (donc 6 en tout, normal quoi) le chauffeur parla en malgache pendant plus d’une heure. Doigt pédagogue tendu et ton docte qui en imposait à ses disciples, il débitait à un rythme enivrant une véritable litanie à laquelle ses auditeurs répondaient à intervalles mesurés par une syllabe encore trop compliquée pour nous. Nous imaginions que notre chauffeur était ainsi prophète ou pasteur (il y a beaucoup de religions à Mada, cf. la chronique correspondante), quand à la fin de son homélie il poussa un long et douloureux « plaquette de freins » en français dans le texte ; alors on comprit que même Jésus ne pourrait rien pour sa 505 d’un autre âge.

 

Hommage à Mada

Madagascar nous a montré une richesse et une diversité de paysages que nous ne soupçonnions pas. La route de Tuléar à Fianar en est un exemple, mais ils sont nombreux sur cette terre. De gros monolithes qui font le dos rond, des moyennes montagnes que le temps a rendu douces et que le soleil a pelées. Puis des montagnes et des pics aux formes déchirées, dentelées, que les ombres des nuages découpent davantage encore. Et en contrebas de la route, une rivière flânant, dégringolant, sinuant, ourlée du vert foncé de la vie qu’elle fait systématiquement jaillir. Ce vert profond tranche avec l’ocre vif de la terre malgache, ce sont d’ailleurs les couleurs du drapeau. Apparaît alors un lac douillettement installé à l’aplomb d’un pic protecteur dont le soleil couchant vient teindre la surface. Une aigrette monte la garde, immobile, et fait onduler la surface de l’eau. Ca pourrait être de la poésie ou l’imagination, c’est la Nature qui prodigue ses trésors avec une générosité qui se passe de commentaire. Alors nous nous taisons, merci Mada.

 

(et prochain rendez-vous en Afrique australe !!)

Publié dans Afrique

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C
Encore un récit de plus, toujours aussi prosaïque et qui nous laisse toujours aussi songeurs et rêveurs...nous...pauvres petites fourmis qui nous débattons pour trouver un peu de finesse dans ce monde de brutes! A l'heure où je vous écris, je suis accompagnée de My, Prisca et Bauch...en pleine partie de fléchette dans le nouveau bureau des Original's kids ...cherchant encore et toujours un lieu pour ce soir où se rafraîchir et se sustenter... à défaut de s'évader par l'esprit, nous réconfortons la chair! Promis, demain matin, j'essaie de vous écrire un long mail pour vous raconter les (petits) évènements de ce dernier mois. En tout cas, ce dont vous pouvez être sûrs, c'est qu'ici, il fait chaud, bien chaud, trop chaud mais bon on ne va pas se plaindre... l'hivers à mon goût ayant été un peu trop long. Tout le monde se joint à moi pour vous embrasser bien fort et, par contre, si vous pouviez faire un petit effort pour les photos (qui sont soit en dit en passant sont ..heu...comment dire... somptueuses... hallucinantes...) : merci de nous mettre quelques clichés de vous de face, ensemble et si possible de près car nous ne ne se lassons pas de voir vos gueules d'amour, béates et zen. Big Kisses de la Rasta-Bg connexion!
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Z
J'atterris doucement... quel récit! Quel narrateur! On y est, on voit, on sent.. j'ai hâte de lire la prochaine chronique! Je veux un enterrement à la malgache! <br /> Nous ne sommes pas à mada, mais chaleur et humidité m'ont accueillie hier à ma sortie d'avion et n'avaient rien à envier au climat de la Caroline du Nord que je venais de quitter. Dehors, le ciel boude, fait le mauvais, essaie son souffle et nous prépare un super orage (d'après météo France). Bien! Les températures baisseront et les nuits seront plus douces.<br /> Bizouz Zaza
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M
Salut les amish baroudeurs!!! <br /> Magnifiques vos photos... et vous êtes magnifiques dessus, on voit que la capitale poluée et stressante de la France est loin de vous! Profitez bien et merci de nous faire partager votre trip!<br /> La bise et bon vent
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J
génial, magnifique, on est scotchés ...<br /> vous n'avez pas l'angoisse de la page blanche... Continuez encore 11 mois, ON COMPTE SUR VOUS !!!
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G
Salut les musts, <br /> J'ai le bec cloué par la beauté des photos et de la prose que l'on peut se procurer sur votre blaugue.<br /> "Sais jainial! La vache!"<br /> Donc pour nous qui faisons parti du commun des mortels, la soirée des trentenaires fut bonne, gavée de guests... Continuez de me faire rever, et comme disait la coureuse de cyclimse Lara Fabian "Je vous aime"..<br /> A dans un an moins un mois ou pas<br /> <br /> Da funky Gas
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